Interview de Johan Girard

Johan Girard

Formations co-construites par Croix Rouge Formation et l’Association « les Audacieux » autour de l’intimité, de la vie affective et sexuelle des seniors 

Interview de Johan Girard,
Délégué national Filière Personnes âgées et domicile,
Croix Rouge française

 

Suite à la diffusion de la note de position du Cercle Vulnérabilités et Société, “Etre soi jusqu’au bout de la vie en établissement et à domicile. Les seniors LGBT+, éclaireurs d’une révolution de l’intime”, le mardi 20 juillet 2021, par Elisabeth Moreno, Ministre déléguée auprès du Premier ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances, et Brigitte Bourguignon, Ministre déléguée chargée de l’Autonomie, la Croix Rouge renforce son engagement auprès de l’association « les Audacieux »

 

Age et sexualité / vie affective : pourquoi souvent un tabou en institution pour personnes âgées ? Une difficulté supplémentaire lorsque l’on est une personne âgée LGBT dans un environnement hétéro-normé ?

Avant de rentrer dans l’institution, j’invite à rentrer tout simplement dans la société, puisque nous avons déjà dans la société deux tabous majeurs : le sexe et la mort. C’est un état de faits et donc il n’y a aucun raison que dans le continuum de vie, les institutions soient exemptées de ces tabous si prégnants au quotidien. Voilà un premier élément introductif.

Le deuxième, c’est que notre société aussi peut parfois avoir une forme de discrimination liée à l’âge, ce que l’appelle l’âgisme, et une discrimination liée aux orientations sexuelles ou identités de genre  de type LGBT+, donc si on ajoute les deux en faisant un calcul très simple : le tabou sexe et mort + les discriminations liées à l’âge et envers les personnes LGBT+, en rajoutant le regard potentiellement négatif sur les établissements médico-sociaux, nous arrivons forcement à un contexte non favorable à l’accueil et accompagnement des personnes LGBT+ vieillissantes.

Alors cela paraît évident en le présentant comme cela, mais ce n’est pas aussi binaire, ce n’est pas tout blanc ou tout noir, il y a bien évidement des structures qui peuvent être bienveillantes, en complète acceptation de cela. Une chose est certaine c’est que c’est loin d’être la généralité !

Ce mal-être vécu par le senior LGBT, quelles conséquences sur la personne ?

Je vais également aborder la réponse à cette question avec un petit préambule pour compléter mon propos précédent. Quand on s’immerge dans l’environnement des institutions, on observe que c’est un secteur d’activité très pluri-culturel. En plus des représentations de tout un chacun dans notre société, on doit également tenir compte des représentations des professionnels en fonction des cultures, des religions d’origine. Il peut y avoir des représentations parfois différentes qui peuvent avoir un impact dans l’accompagnement et notamment sur le regard porté sur les sujets de la sexualité, du vieillissement et de l’orientation sexuelle du type LGBT+.

C’est bien pour cela qu’évidement l’ANESM (Agence Nationale de l’Évaluation et de la qualité des Établissements et services Sociaux et Médico-sociaux), la HAS (Haute Autorité de Santé) travaillent sur des recommandations de bonnes pratiques professionnelles pour avoir des bases communes partagées par tous les professionnels. Mais à mon sens ce n’est pas suffisant notamment pour les personnes accompagnées LGBT+.

Si l’on rajoute la question du VIH, qui ne doit pas être corrélée avec la population LGBT+, on touche également à des représentations d’angoisse et de peur liées à cette maladie chez certains soignants qui peuvent entrainer une stigmatisation encore plus marquée, voir aussi parfois des mauvaises pratiques de prise en charge par rapport à la méconnaissance ou les craintes liées à cette maladie.

Et si l’on aborde un autre registre concernant les personnes transgenres on a aussi potentiellement des éléments liés aux poly-pathologies, aux prises en charge médicamenteuses qui peuvent aussi entrainer des problématiques de pratiques professionnelles.

Donc tous ces éléments de contextualisation peuvent inévitablement avoir un impact direct sur la qualité de vie des personnes accueillies, notamment des personnes LGBT+. Si on prend le mot santé au sens OMS (Organisation Mondiale de la Santé) ce n’est pas uniquement de la santé au sens sanitaire dont on parle, mais la santé psychique, les conditions de vie, son environnement social qui nourrissent une qualité de vie pour la personne.

Il me semble important pour qu’une personne puisse se réaliser jusqu’au bout de la vie, de pouvoir être soi-même, c’est de pouvoir tout simplement créer les conditions du cadre de vie pour que cela soit possible. Créer ces conditions dans l’environnement médico-social que je viens de décrire, nécessite un engagement important, bien sûr des politiques publiques, bien sûr des opérateurs qui accompagnent les personnes âgées et donc inévitablement des pratiques professionnelles, de la formation initiale, de la formation continue, de l’évolution des équipes encadrantes, de l’évolution des projets de services et/ou d’établissement, voire demain, et c’est le cas, avec les travaux menés et proposés par l’association « les Audacieuses & Audacieux », une offre de service qui permette de placer au cœur le libre choix des personnes de l’environnement de vie dans lequel ils veulent vieillir pour pouvoir se réaliser jusqu’à leur derniers jours.

Quelles réponses ? Comment aborder l’intime pour assurer le bien-être de la personne ?

Lorsqu’on a commencé à suivre votre association et à travailler avec Stéphane Sauvé, son délégué général, la Croix Rouge française a été évidemment très sensible à l’ensemble de vos travaux.

En cohérence avec ce que je viens d’exprimer, il nous a semblé pertinent de réfléchir aux différents soutiens que nous pourrions vous apporter en cohérence avec nos valeurs et nos missions. Ainsi sur le volet logement collectif, habitat participatif, c’est Croix Rouge habitat qui s’est engagé pour développer à vos côtés le projet « Maison de la Diversité » dans toute la France.

Le deuxième axe de partenariat que nous initions, c’est avec Croix Rouge formation, que nous allons pouvoir sensibiliser l’ensemble du personnel soignant de la Croix Rouge française (12% du personnel soignant en France).

Nous allons proposer avec les équipes pédagogiques de Croix Rouge formation en co-construction avec les Audacieuses et les Audacieux, une offre ciblée aux options de la sexualité. Elle passera par un module de formation aux équipes opérationnelles, mais également au niveau des managers. Il y aura des accompagnements et du conseil spécifique sur l’analyse des pratiques professionnelles.

Il est important de pouvoir libérer la parole sur ces questions encore trop tabou afin de comprendre les besoins et attentes de l’ensemble des personnes âgées accueillies dans leurs diversités et donc de la population LGBT vieillissante. Nous toucherons ainsi les EHPAD, les SSIAD, les SAAD, les SPASAD… Il est important d’acculturer à toutes les spécificités et les besoins de toutes les personnes âgées. Il y aura pour finir une proposition pour accompagner les professionnels dans la rédaction ou l’actualisation des projets de service ou d’établissement.

En termes de planning les équipes Croix Rouge formation sont déjà mobilisées pour finaliser l’ingénierie d’ici la fin de l’année pour inscriptions aux plans de formation de 2022 et proposition de l’offre à tout établissement médico-social au-delà de la Croix Rouge française dès 2023.

Et pour aller encore plus loin, les Audacieuses et les Audacieuses s’engagent également avec le soutien de la Fondation Emergence au Canada à sensibiliser l’ensemble des résidents et des familles en lien avec les animateurs et les psychologues de ces structures. La fondation Émergence déploie depuis plus de 13 ans le programme « pour que bien vieillir soit gai ».

Info Presse Croix Rouge Formation – Septembre 2021

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